Feuillets de cuivre

Feuillets de cuivreTitre : Feuillets de cuivre

Auteur : Fabien Clavel

Éditeur : ActuSF

Genre(s) : policier steampunk

Nombre de pages : 339

Mots-clés : cuivre, enquête, livre, paranormal

Paris, 1872. On retrouve dans une ruelle sombre le cadavre atrocement mutilé d’une prostituée, premier d’une longue série de meurtres aux résonances ésotériques. Enquêteur atypique, à l’âme mutilée par son passé et au corps d’obèse, l’inspecteur Ragon n’a pour seule arme contre ces crimes que  sa sagacité et sa gargantuesque culture littéraire. 

Mon avis

Ce magnifique ouvrage me faisait de l’œil depuis un petit temps. Avec sa jaquette cartonnée au design rappelant les couvertures d’anciens ouvrages et ses reliefs cuivrés, il me tardait de le lire. C’est l’existence de ce genre d’objet-livre qui fait déplorer l’invention du format numérique : il est tellement agréable de lire un récit dans une si belle édition ! Je regrette juste que l’intérieur du livre ne soit pas plus illustré (par exemple avec des pages de gravures noir et blanc, qui auraient été du plus bel effet 🙂 ). Etant donné que j’ai totalement craqué sur l’objet-livre, je ne savais pas trop à quoi m’attendre concernant l’histoire en commençant ce livre, dont – je l’avoue – j’avais à peine lu la quatrième de couverture.

Paris, fin du XIXe siècle. Le lecteur suit le parcours de Ragon au sein de la police – de sa première à sa dernière enquête. De simple fantassin durant la guerre, il monte de grade en grade au fil des années. Ce qui est particulièrement intéressant chez ce personnage, c’est sa culture littéraire hors du commun et le fait qu’il résolve ses affaires grâce à ses connaissances du livre et de l’art. Malgré le fait que je ne pouvais pas vraiment m’identifier à Ragon- le policier étant un homme obèse du XIXe siècle -, il m’a touchée par son histoire personnelle et son attachement à sa femme – son unique amour – et à ses livres. Il puise sa force en eux et cette confiance sans faille fait plaisir à lire. Il n’a pas un parcours de vie facile mais il ne baisse jamais les bras.

Le roman est divisé en plusieurs parties. Chaque « carnet » va raconter une enquête marquante de la carrière de Ragon, souvent de par son caractère surnaturel. Le prologue nous entraîne dans une sombre affaire de prostituées retrouvées mortes en rue qui rappelle les meurtres de Jack l’éventreur à Londres. Les carnets suivants relatent les affaires les plus mémorables de Ragon : elles sont menées avec habileté et sagacité par le protagoniste. Les références littéraires et culturelles y sont multiples, poussant le lecteur à chercher toujours plus loin dans ses connaissances littéraires pour trouver le fin mot de l’histoire. Ragon se trouve vers la fin un ennemi à sa mesure. Leur relation ressemble selon moi à celle établie entre Sherlock Holmes et le professeur Moriarty. Peu importe les victimes et les dégâts, ce qui importe est le challenge intellectuel. Le livre se clôt sur un épilogue qui relate la dernière affaire de Ragon.

J’ai trouvé très intéressant que la littérature ne soit pas la seule forme de culture exploitée par l’auteur : la peinture, le dessin, la sculpture et même le tatouage sont employés pour donner de la matière, de la profondeur aux affaires policières. La chasse aux indices est beaucoup plus intellectuelle dans cet ouvrage que dans un récit policier : chaque pièce retrouvée doit être traitée avant d’être incorporée au puzzle de l’enquête. C’est aussi pour cette raison que j’ai trouvé que les illustrations manquaient parfois au récit : ne connaissant  pas toutes les œuvres mentionnées, je devais parfois interrompre ma lecture pour aller chercher sur Google le tableau cité. (Mais je chipote ici, c’est tellement facile aujourd’hui d’accéder aux informations :p )

J’ai particulièrement aimé la plume de l’auteur qui a une excellente maîtrise de la langue française et qui le prouve par ses remaniements multiples d’œuvres littéraires, mais qui peut aussi avoir un côté plus léger, plus trivial. L’ambiance steampunk du roman contribue à l’histoire, sans pour autant tomber dans les clichés du genre.

La toute fin de l’épilogue m’a un peu frustrée mais elle ne gâche pas le plaisir que j’ai eu à lire ce livre. Je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler le futur lecteur !

Citations

 » – Dites-moi, pensez-vous réellement que je serai incapable de résoudre cette enquête sans la moindre lecture?

– Tout à fait. Je vous ai souvent vu opérer. Mais vous devrez suivre la voie classique pour cette affaire.

– Je vous affirme le contraire. Et je vous le prouverai. N’oubliez jamais cela, Fredouille : tout est dans les livres. Notre vie n’est qu’un feuillet détaché de l’ouvrage gigantesque du monde. »


« -Êtes-vous familier de l’essai de Valès, Les Réfractaires?

Ragon ne répondit pas.

– Je prends cela pour un non. C’est dommage. Dans l’un des chapitres, intitulé « Les Victimes du livre », l’auteur développe la thèse suivante : les lecteurs sont opprimés par la tyrannie de l’imprimé. Persuadés de construire leur vie sur un modèle littéraire, ils sont conduits à se défigurer eux-mêmes ou à torturer les autres. Vallès a raison. Les livres sont partout, omniprésents, dominateurs. De l’enfance à la vieillesse, ils nous suivent, nous indiquant quoi penser et comment agir. »

Conclusion

Je recommande cet ouvrage : l’ambiance steampunk associée aux intrigues policières littéraires et à la belle plume de l’auteur en font un must pour tous les passionnés de littératures et de culture en général. Le lecteur y teste ses connaissances du monde culturel de l’époque en tentant de résoudre les affaires avec Ragon.

extra1

#FungiLumini

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