Chambre Nymphale

52113294_805801943087246_7571104466045239296_nTitre : Chambre Nymphale

Auteure : Maude Elyther

Illustratrice couverture : Marcela Bolivar

Illustrations intérieures : Maude Elyther

Éditeur : Noir d’Absinthe

Genre(s) : fantastique onirique

Nombre de pages : 232

À la suite d’un traumatisme, Otto se trouve confronté à un paysage de désolation et de ténèbres. En proie à ses démons, il évolue dans un univers de sombres fantasmagories, recréant la réalité en l’arpentant dans sa sensibilité, flirtant ou communiant avec la folie. Entre ses instincts archaïques et le Monstre dévorant, la métamorphose opère.

Mon avis

J’avais découvert la plume de Maude dans l’anthologie Bal Masqué avec sa superbe nouvelle « L’Orchidée Rouge ». J’ai ensuite parcouru son blog, sur lequel elle rédige entre autres d’inspirantes chroniques sur des ouvrages de l’imaginaire, un univers très proche du mien. Et l’an passé aux Imaginales, j’ai aussi pu rencontrer la super personne qui se cache derrière cette plume atypique et incroyable ! Vous l’aurez compris, j’attendais avec grande impatience de découvrir le premier roman de cette auteure et je n’ai donc pas attendu avant de me plonger dans sa lecture, le soir même de sa réception.

Auparavant interné, Otto se réveille d’un coma profond. Il est pris sous l’aile de son meilleur ami Ethan pour entamer une longue convalescence, à la recherche de ses souvenirs et de son identité, et éviter ainsi de retourner en hôpital psychiatrique. Une autre entité semble roder au plus profond de son être, lui montrant des aspects de lui-même qu’il ne connaissait pas et surtout qu’il ne reconnait pas. Il va alors rencontrer Stéphane, un auteur publié par Ethan, qui va le bouleverser.

J’ai retrouvé avec grand plaisir la magnifique plume de Maude, sombre poésie qui nous emmène dans un monde de rêve, mais ici aussi de cauchemars. On oscille entre des instants de pur lyrisme, des dialogues plus terre-à-terre entre les personnages et des ressentis et émotions profondes du protagoniste. Cette alternance de formats allège le récit et  nous ouvre complètement à cet univers unique.

Otto est un personnage atypique, ambigu. Partagé entre deux identités, celle qu’il est et celle qu’il perçoit dans son miroir, il ne sait plus lequel il est et ne parvient pas à retrouver ses souvenirs. La partie qui m’a un peu frustrée de cette lecture est l’amitié  entre Otto et Ethan. Ce dernier semble hyper protecteur, mettant souvent en avant leurs profonds liens d’amitié, mais je n’ai jamais vraiment ressenti ce lien comme positif. Il dit vouloir aider Otto à retrouver ses souvenirs, mais lui cache tout ce qui pourrait l’amener à réussir par peur qu’il rechute. Il dit vouloir aider Otto à reprendre une vie normale, mais l’enferme chez lui et le coupe de tout contact. Otto, dans sa position à la fois faible et redevable, n’ose rien lui dire, même si on ressent avec lui toute cette incompréhension et frustration de l’enfermement.

Ce récit est beaucoup plus sombre, plus violent et plus sanglant que ce à quoi je m’attendais. Alors que je croyais y trouver un genre proche du réalisme magique, entre féerie et rêve, l’histoire nous plonge dans un monde malsain et inquiétant. La folie s’insinue partout et on ne sait jamais à quoi s’attendre des personnages : automutilation, douleurs, passion, colère, tout se mêle dans un tourbillon d’émotions violentes. J’ai beaucoup aimé découvrir cet aspect de l’univers de l’auteure, que je ne lui connaissais pas encore.

Otto et Stéphane sont des personnages qui m’ont beaucoup touchée, à la fois dans leur sensibilité particulière, mais surtout dans leur rapport au monde. Ils essaient d’y trouver leur place, même s’ils ont l’impression que ce n’est pas possible de par leur différence. Ils cherchent à devenir ce qu’ils sont, malgré leur entourage qui voudrait les remettre « sur le droit chemin ». Ils vont se trouver et se compléter à merveille, chacun acceptant la personnalité de l’autre telle qu’elle est et n’essayant pas de la changer. Ils ont aussi tous deux une noirceur en eux, une ombre fascinante qui n’attend qu’un moment de faiblesse pour montrer ses griffes et tout détruire.

Empreint d’une mélancolie profonde, de tristesse, mais aussi d’amour intense, de passion dévorante, ce texte nous emmène à la découverte de décors oniriques. Jardins apaisants peuplés de créatures magiques, maison abandonnée aux confonds d’une forêt enchantée dont l’accès n’est pas toujours ouvert, mais aussi enfer personnel envahi par des visions cauchemardesques, des lieux hors du temps et de la réalité.

Parlons un peu de l’objet-livre. La couverture du roman, réalisée par la talentueuse illustratrice Marcela Bolivar, est une totale réussite. Elle représente à la fois le côté poésie onirique et l’univers végétal unique décrits par l’auteure, et illustre une des scènes clés du roman. L’intérieur du livre est aussi très beau, avec une typo fine et élégante pour les titres des chapitres et une mise en page bien particulière, nécessaire à la création de l’identité des personnages. Bonus final : Maude n’est pas seulement auteure, mais aussi peintre autodidacte ! Elle a réalisé des peintures lors de la rédaction de ce récit, et nous en propose une sélection à la fin de l’ouvrage, qui plus est en couleurs.  Un coup de pinceau tout aussi atypique que sa plume, j’espère qu’on aura un jour l’occasion de flâner dans une exposition avec ses œuvres !

Citations

Beaucoup de passages de ce livre me parlaient particulièrement et ce fut difficile de n’en choisir que trois !

« Le temps s’est éteint. Je ne suis ni vivant ni mort. Seul. Les Ténèbres de la Nuit susurrent. Je suis un monstre. Je ne sais pas la faute que j’ai commise pour être ainsi condamné. Pour que je me transforme en reflet de moi-même qui fuit mon regard. Je veille. Indifférent à mon être, à mes souffrances. Tout cela est loin. Mon esprit plane, connecté au langage des pierres, aux murmures du vent et des herbes folles, aux voix des Enfants de la Nuit. »

« Nous avons tendance à nous habiller de masques, peut-être parce que nous ne savons pas comment aborder notre véritable image. Ces cauchemars, ils sont tiens, tu ne dois plus en avoir peur, ils sont comme un décor de fond. Ils te constituent, mais c’est toi qui choisis de les laisser agir sur toi ou non. Ils reflètent ta vérité la plus profonde, mais rien ne les oblige à te contrôler : si tu veux, tu peux les taire, sans te mentir à toi-même. Ils sont ton jardin secret. »

« Le monde n’est qu’une illusion de gentillesse : derrière elle se cachent la noirceur, les mensonges, les manipulations de l’orgueil des hommes. Il faut voir le coeur, des choses et des autres. Tu ne dois pas laisser la tromperie avoir raison de tes choix. La vie n’est pas un conte de fées. Les gens souffrent, d’une manière ou d’une autre, qu’ils soient « bons » ou « mauvais ». Tu es jeune encore, mais je sais que tu comprends. Tu as en toi cette forme de sensibilité qui te rend unique. »

Conclusion

 Un univers étonnant entre rêve et cauchemar, servi par la superbe plume de Maude, sombre poésie décrivant des émotions intenses et de violentes pulsions. Un protagoniste duel, à la recherche de son être profond. Une folie qui rode, une ombre dont l’inquiétante étrangeté plane sur tout le récit. Un excellent premier roman atypique !

extra1public averti horreur

#FungiLumini

8 réflexions sur “Chambre Nymphale

  1. Oh, j’avais zapé le fait que j’avais déjà découvert sa plume dans « Bal masqué »! Par contre, j’ai été relire ma chronique et je n’avais pas trop accrochée à cette nouvelle dont l’écriture m’avait paru « trop » onirique! Pourtant c’est exactement le style que j’aime mais là, la magie n’avait pas opérée…mais j’étais très fatiguée! Je compte lire Chambre nymphale cette semaine (où je suis en congé) donc j’espère que ça passera mieux et que j’apprécierai ce texte autant que toi!! 🙂

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  3. Nous sommes dans de l’Urban Fantasy ou de la Fantasy tout court ? Je ne sais pas trop comment me positionner par rapport à ce livre qui a une couverture détonante et attirante. J ne m’attendais pas non plus à ce que cela soit classé « public averti ». Quoi y a des scènes trash à ce point ? Ma curiosité est piquée !

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    • Alors, moi je ne le classerais pas en fantasy, mais en fantastique , car on reste dans le monde réel, on est même limite plus dans du psychologique, avec des entrées fréquentes dans la psyché du protagoniste. Et pour le public averti, ce n’est pas ultra trash, mais plutôt malsain : il y a des scènes d’automutilation, de violence (j’ai pas envie de trop en dire non plus pour ne pas spoiler :p ) , mais ce n’est clairement pas pour tout le monde 😉 J’espère que ça répond un peu à tes questions 😀

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