Noces d’écailles

Ds9KfPdW0AIMXScTitre : Noces d’écailles

Auteur : Anthelme Hauchecorne

Illustrateur : Loic Canavaggia

Éditeur : éditions du chat noir

Genre(s) : roman graphique fantastique

Nombre de pages : 104 (couleurs)

Octobre 1345, Comté de Bourgogne.

Fuyant la colère du baron, Aymeric Jodelet, peintre et coureur de jupons, doit s’exiler de son village. L’artiste trouve refuge dans la forêt voisine, au mépris des superstitions. Selon les paysans, un monstre y rôderait : la Vouivre, dont les griffes déchireraient les intrus.

Une fable, rien de plus ?

À l’automne, les sentiers sylvestres mènent n’importe où. Parfois jusqu’à l’inconnu.

Mon avis

J’avais participé à la campagne Ulule pour soutenir ce projet, trio gagnant d’un auteur que j’adore, d’un illustrateur talentueux et d’une maison d’édition dont j’apprécie énormément toutes les sorties. J’ai reçu ma contrepartie ce weekend, et, profitant d’une semaine de vacances, je me suis lancée directement dans sa lecture (et oui, vu le très grand format de l’ouvrage, il vaut mieux le lire chez soi, il n’est pas facile à emporter dans les transports en commun ou à glisser dans un sac :p). Il ne m’aura fallu qu’un jour pour le dévorer, totalement happée à la fois par le récit conté par Anthelme et par la beauté des illustrations de Loïc.

L’objet-livre en lui-même est magnifique. Sa couverture cartonnée, en peau de dragon et avec vernis sélectif, offre une vue sur l’ambiance générale du livre, entre sombres forêts et eaux troubles, et rappelle la légende abordée, celle de la vouivre. Le format est beaucoup plus grand que les artbooks habituels des éditions du Chat Noir, ce qui fait la part belle aux dessins. Ces illustrations sont un des points forts de l’ouvrage : déjà, il y en a énormément (une à deux par double page !). Ensuite, elles sont réalisées avec beaucoup de talent, que ce soit dans les tracés fins et précis ou dans les détails des paysages et des créatures. Dernier point et non des moindres, une bonne partie de ces dessins ont été colorisés, ce qui augmente encore le plaisir des yeux du lecteur !

J’ai beaucoup aimé le fait qu’on ne soit pas sur un fond blanc, mais plutôt sur une imitation parchemin. La typographie choisie est aussi inhabituelle et plutôt manuscrite, tout en restant aisément lisible. L’histoire débute en 1345. et j’ai trouvé ces détails de mise en page cohérents et sympas par rapport au contexte historique ! Bon, et si on passait un peu à l’histoire ?

Les « héros » d’Anthelme en sont rarement. Dans ce roman, le protagoniste Aymeric est artiste peintre talentueux, malgré sa main difforme. Il gâche cependant ce talent avec l’alcool, les femmes et surtout sa curiosité qui le pousse à regarder sous le masque du baron et à ensuite subir son courroux. On le suit au travers de son journal, dans lequel il raconte ses mésaventures. Il doit fuir dans la Sylve serpentine, dans laquelle il a installé un atelier. Un jour, il croise le chemin de Gwybère, une jeune femme simple d’esprit qui va l’emmener vivre avec elle dans les ruines du palais de Ronsard. Une vie paisible se profile, jusqu’au jour où l’aubergiste tente de ramener Aymeric au village…

Si la forêt, endroit de mille rumeurs et légendes, ne parait au départ pas dangereuse, nous allons y plonger de plus en plus profondément et découvrir les multiples créatures qui l’habitent. Aymeric est loin d’être courageux, son âme/physique de peintre le pousse à plutôt observer et reproduire sur papier les étrangetés auxquelles il assiste plutôt que de se battre pour partir. D’abord fasciné, il finira par craindre la faune et la flore qui l’entourent. Alors, véritable danger ou simple vision d’un esprit dérangé?

J’adore toujours autant le style d’écriture d’Anthelme. Il mêle sombre poésie, jeux langagiers et fluidité des actions avec brio. En quelques phrases, il nous plonge au cœur d’un lieu, d’une époque, d’une vie. Il a aussi toujours le mot de la fin de chapitre qui mêle suspense et mystère, et on ne souhaite alors qu’une chose : connaitre la suite des événements ! J’ai aussi aimé le fait qu’il présente différents types de contenus : la trame principale, mais aussi des extraits de chroniques, lettres, etc. qui ajoutent une dimension supplémentaire à l’histoire.

Si le récit semble au premier plan narrer les malheurs d’Aymeric, une grande part y est consacrée à la réinterprétation de la légende de la vouivre. J’ai trouvé fascinant de (re)découvrir cet créature de légende au travers de la très belle plume d’Anthelme, qui marie subtilement les éléments du récit populaire à sa propre vision. A la fin de l’ouvrage, on retrouve d’ailleurs le conte originel « La vouivre et le valet », provenant du Jura, et qui a inspiré ce récit, ainsi qu’un très beau carnet de croquis de cette créature fantastique.

Citations

« Seule ombre au tableau : j’avais trop tôt épuisé mes réserves d’alcool. Je fus bientôt en proie au manque. Cloué au lit, marinant dans ma sueur, je souffris de visions.
Au plus fort de  mon delirium, je crus discerner un serpent m’épiant depuis une fenêtre. Le reptile perçut aussitôt que je l’avais repéré. Il découvrit ses crochets, déploya ses ailes et s’envola. Avais-je rêvé? Venais-je d’entrevoir un amphiptère, tout droit jailli des vieilles légendes? « 

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« Une vérité essentielle m’apparut : beauté et laideur étaient des mensonges. Ces concepts n’appartenaient pas à l’ordre naturel, les bêtes n’en avaient cure. Ces fadaises n’intéressaient que l’Homme. Se soustraire aux regards des autres permettait de leur échapper. »

Conclusion

Un artbook de très grand format qui fait la part belle à ses magnifiques illustrations. Le texte et les dessins se partagent équitablement l’espace, les détails de la mise en page sont très soignés, un vrai plaisir à parcourir ! Le récit, réinterprétation personnelle très réussie de la légende de la vouivre, nous emmène au cœur d’une sombre fable, entre mystères et malédiction. Un projet atypique comme on aimerait en voir plus souvent !

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#FungiLumini

Une réflexion sur “Noces d’écailles

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