La nuit des labyrinthes

Titre : La Nuit des Labyrinthes

Autrice : Sabrina Calvo

Illustratrice : Cindy Canévet

Éditeur : Mnémos

Genre(s) : fantasy victorienne

Nombre de pages : 272

Marseille, 1905. En ce soir de Noël, on inaugure le pont Transbordeur dans la la fête et les feux d’artifice. Bertrand Lacejambe, botaniste aux cheveux capricieux, assisté par son ami Fenby, elficologue amateur, est chargé d’élucider la mystérieuse disparition de la plus banale espèce de fleur de la ville.

Piégés dans un labyrinthe urbain aux occultes secrets, de soirées mondaines en scènes de panique, nos deux héros vont très vite se retrouver au coeur d’une conspiration qui menace de plonger la cité phocéenne dans le chaos. Et de ressusciter l’un de ses plus terribles cauchemars.

Mon avis

J’avais lu et adoré Délius, une chanson d’été l’an passé et il me tardait de découvrir ce que l’avenir réservait à notre duo de choc. C’est Cindy Canévet qui est une nouvelle fois aux commandes pour l’illustration de couverture, et elle a réalisé travail sublime, élégant et délicat, aux tons chauds automnaux et aux notes florales. On retrouve nos protagonistes atypiques 8 ans après la fin de l’enquête qui bouleversa leurs existences.

Que s’est-il passé pendant ces 8 années ? Et bien, pas grand chose : la dépression a gagné notre botaniste qui a décidé de se terrer chez lui, et Fenby, son fidèle assistant, affirme être une fleur. Le soir de Noël, poussé par Fenby qui veut voir du monde, Lacejambe se laisse entrainer contre son gré dans une soirée mondaine. L’hôtesse Engandine est ravie de le revoir, mais c’est son mari Ours-Antoine qui va raviver la curiosité du botaniste en lui confiant une étrange mission : trouver la meilleure Marina de la ville afin qu’il puisse gouter un souvenir de son enfance avant de mourir. Un problème se pose cependant : la fleur qui pousse habituellement partout semble avoir disparu… Voilà un mystère à résoudre pour notre botaniste et son assistant fleur/elficologue !

On part ensuite aux côtés de Lacejambe et Fenby pour une aventure des plus improbables et des plus folles. J’ai adoré les escorter dans les rues de Marseille, suivant des pistes douteuses, qui les menaient toujours plus proches de la folie, entre souvenirs du passé et présent insensé. On a l’impression de suivre Alice Liddel dans une de ces fantasques épopées au pays des merveilles, allant de non-sens en non-sens sans s’en étonner le moins du monde, sauf que notre duo plonge dans les profondeurs d’une Marseille à un doigt de l’implosion.

Alors que le premier tome était plutôt léger et féérique, celui-ci est bien plus sombre ; tout comme les cheveux du botaniste qui ont arrêtés de changer de couleur pour se maintenir d’une teinte noire. On y retrouve cette beauté, cette poésie, cet onirisme, cette charmante magie enfantine, mais elle finit toujours par se teindre de noirceur, d’occulte et de sang. Encore une fois, on se demande si on est bien dans la réalité ou dans un monde fantasmé, reflet de la psyché personnelle en détresse du botaniste.

Bien que la nuit soit à la fête, les catastrophes s’enchainent, Lacejambe assiste à chaque fois aux désastres, spectateur impuissant (voire insensible) qui tente de coller les pièces de puzzle ensemble alors que le monde et son monde s’écroulent autour de lui. En quête d’une simple fleur, c’est finalement un complot impliquant toute la ville qu’il va tenter de débusquer. Au cœur de ce labyrinthe, une voix le guide. En tant que lecteur, nous l’entendons nous parler, elle semble habiter les éléments du décor, les animer. Qui est au final ce mystérieux Vivaux que Lacejambe semble bien connaître ?

Ce roman, d’une richesse incroyable, porte aussi un message écologique : il a été prédit que la disparition de la Marina serait le signe de la fin. Les hommes ont usé les ressources de la ville jusqu’à la lie, l’encombrant de déchets, d’immondices jusqu’au débordement, et finalement elle se venge. Le diadème est discret dans ce tome, bien qu’il fasse encore son apparition. Sa présence n’a pas fini de nous hanter. On en saura peut-être plus dans le prochain tome : « Laocoon, hymne d’hiver ».

Citations

« Vivaux vivait avec ses parents dans un cabanon près des Goudes, tous les matins, il se levait avec du gravier dans les cheveux. Il était très propre. Il se lavait six fois par jour, sa mère disait qu’il était obsessionnel parce que sa grand-mère était morte noyée dans une coulée de boue après les grandes pluies de juin 1867, quand une moitié de colline avait basculé sur la ville, charriant les corps d’une centaine d’habitants. Vivaux détestait la boue plus que tout, il disait qu’il ne vivait que pour la voir périr. »

« Il toucha l’écorce, il voulut la faire vibrer sous ses doigts. Il avait cette force en lui qui lui permettait de faire résonner toute chose végétale, mais l’arbre ne répondit pas. Se pouvait-il qu’il n’ait plus assez de beauté en son cœur ? Et si l’affaire du Fleuriste l’avait, lui, à tout jamais, privé de magie ? Sous ses doigts, les fleurs ne répondaient plus et même Fenby, qui se vantait d’en être une, lui apparaissait désormais comme un cinglé, bon à enfermer. Lacejambe l’encourageait par conscience professionnelle mais au fond, quand il creusait suffisamment loin pour découvrir la vérité, il savait qu’il avait perdu la beauté. »

Conclusion

Un second tome plus sombre que le précédent : l’autrice reprend son duo de protagonistes atypiques et nous propose, au départ d’une simple mission, de partir dans les directions les plus improbables, et de finalement enquêter sur un mystère bien plus grand. Un roman d’une richesse incroyable, passant de l’absurde à la folie, de la magie au cauchemar, du funeste passé au présent insensé. Une lecture irrationnelle, débridée et empreinte de mélancolie, de poésie et de folie comme je les adore !

extra1
ovni

#FungiLumini

2 réflexions sur “La nuit des labyrinthes

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