La descente ou la chute

Titre : La descente ou la chute

Auteur : Basile Cendre

Genre(s) : fantasy post-apocalyptique

Nombre de pages : 272

Au bord du précipice, Loup hésite. Il doit choisir entre la Descente ou la Chute.

Sauter pour sombrer dans la brume ou descendre de son perchoir et dégringoler les montagnes de décombres, de ferrailles enfouies et hostiles. Peut-être atteindre les profondeurs obscures où dorment les titans, ces géants corrompus au sommeil éternel… et tourmenté. Il lui faudra éviter les chuchotements vicieux de la brume, l’étreinte froide et violente des Oubliés, et la tentation troublante du vertige. Mais Loup le sent, il y a un secret en bas, une liberté que le ciel plombé des hauteurs lui refuse.

À l’intersection inattendue d’Ursula Le Guin et de JG Ballard, une fantasy post-apo rugueuse et lyrique, emplie de destins poignants.

Pépite de l’imaginaire 2021

Je suis souvent très tentée par les Pépites de l’Imaginaire, récits originaux de plumes francophones. Cet ouvrage fait partie de la cuvée 2021, qui comprenait également le génialissime Diamants. J’ai eu la chance de me le procurer auprès de l’auteur l’an passé à Trolls et Légendes 🙂

Tout commence par un choix : celui de Loup, qui décide de descendre plutôt que de chuter alors qu’il est banni de son village. On découvre petit à petit le monde étrange dans lequel notre héros ferrailleur vit. Perché sur des hauteurs relativement sûres, l’endroit où on arrive est pauvre et triste, mais la chaleur humaine y est encore bien présente, Loup y participant en ramenant des objets du passé des profondeurs qu’il explore. En dessous cependant règne la brume, rejet maléfique des titans qui dorment tout en bas du précipice. Cette brume envahit votre esprit et vous fait oublier jusqu’à l’essence même de votre être. J’ai trouvé ce monde tout à fait fascinant, et plus on descend dans les étages, plus le paysage change, se métamorphose pour devenir presque organique. Un dépaysement total !

Loup choisit donc de descendre : il sera pour cela assisté par son veilleur Gaston, fidèle ami qui accepte de l’assurer alors qu’il descend au plus profond de l’abyme et tente, tant qu’à faire, de percer le secret des titans. Bien que j’ai trouvé ce concept de descente assurée assez génial, j’avais un peu de mal avec la pratique de cette idée : comment ce fil peut-il le suivre partout où il va sans jamais s’emmêler, se prendre dans un obstacle ni arriver à sa fin? Tout un système de communication passe aussi par ce fil, ultime relais entre le monde perché et les profondeurs.

Loup va faire de nombreuses rencontres au fil de sa descente. Certaines lui seront bénéfiques, d’autres beaucoup moins; il essayera parfois de sauver d’anciennes connaissances ou de leur apporter un peu de repos, mais sera aussi sauvé de la brume. J’ai trouvé la plupart des personnages très beaux, profonds dans leur façon d’être, leurs convictions et dans les réflexions qu’ils amènent au récit. J’ai cependant trouvé parfois que certaines rencontres étaient trop fortuites, le deus ex machina trop présent à plusieurs moments du texte.

On oscille dans la narration entre le cheminement de Loup, qui traine sa carcasse comme il peut plutôt qu’il n’explore, et des rêves, qui nous aident à comprendre pourquoi Loup en est arrivé là où il est maintenant. J’ai beaucoup aimé la plume de l’auteur, qui raconte un monde hanté, entre le rêve et le cauchemar, avec une poésie et une mélancolie certaines, tout en gardant un rythme assez soutenu, qui fait qu’on a envie de continuer d’avancer, de plonger au cœur des ténèbres, même si on a peur de ce qui nous attend à la fin.

« C’est la brume, il le sait, qui remonte insidieusement le long de son échine et creuse ses faiblesses. Traîtresse, elle lui susurre de délicieux mensonges d’abandon confortable. Loup y adhérerait presque, si une vision soudaine ne lui réveillait pas le cœur. »

« Je suis Loup. Je ne suis pas la brume. »

« Nous marchons un instant. L’équilibre est parfait, les funambules synchronisés à l’infime seconde. La danse nous est connue, les pas inscrits dans nos cuisses, même s’il s’agit de notre première fois à deux sur la poutre, qui s’abstient encore de grincer. Domptée, la ferraille affamée, la bouffeuse d’oubliées et de suicidaires. »

Un récit original, qui sort des sentiers battus pour s’enfoncer dans les profondeurs de la brume. Une exploration tout en verticalité d’un monde hanté. Notre héros va affronter des monstres bien réels, mais aussi ses souvenirs enfouis. Un univers fascinant que j’ai adoré découvrir aux côtés de Loup et de son veilleur !