Journal de L.

4934d7_34032738c423436e96981689273e1d79_mv2_d_1400_2100_s_2Titre : Journal de L. (1947-1952)

Auteur : Christophe Tison

Éditeur :  éditions Goutte d’Or

Genre(s) : journal / biographie

Nombre de pages : 288

Écrire le journal intime d’un personnage de roman ! Une étrange idée qui m’est venue en relisant Lolita il y a deux ans. À l’époque, j’ai pensé : « Mais dans Lolita on n’entend jamais Lolita, en fait, ou seulement quand elle râle. » Tout est écrit du point de vue de son kidnappeur de beau-père, Humbert Humbert. Le mutisme de cette petite héroïne m’a touché. Il m’a rappelé le mien. Mon silence. Celui que j’ai vécu enfant.

À travers le temps et les continents, et même malgré sa fiction, cette mésaventure était la mienne. Il fallait que je lui donne une voix, qu’elle parle, qu’on entende enfin Lolita. Et quoi de mieux qu’un journal intime où elle se serait confiée pleinement, sans pudeur. Où elle aurait dit la vérité. Parce qu’après tout, le roman de Nabokov est présenté comme les confessions d’Humbert Humbert et il peut dire ce qu’il veut, travestir la réalité, n’en montrer qu’une partie.Voyons donc le point de vue de Lolita.Elle s’est peut-être sauvée plusieurs fois ou a essayé d’échapper à ce beau père tyrannique comme je l’avais fait moi-même. Comment résiste-t-elle ? Que pense-t-elle ? Elle a peut-être eu des aventures, des amours de collège qu’Humbert Humbert n’a pas sues, pas dites. Et que devient-elle quand elle lui échappe enfin ? C’est peut-être même elle qui a organisé sa perte à la fin, par vengeance… Il a donc fallu, c’était une nécessité impérieuse, que je me mette dans la peau d’une adolescente américaine des années 40. Que je lui trouve un style, une vie intérieure… Pour qu’elle parle enfin. Pour qu’elle vive sa vie de jeune fille. Et lui redonner voix humaine, briser ce long silence.

Mon avis

Ma lecture de Lolita remonte à mes cours de littérature américaine à l’université. Le roman de Nabokov m’avait grandement fascinée à cause de la façon dont l’auteur parvenait à donner du bourreau l’impression qu’il était la victime : le pédophile Humbert Humbert était « la victime » de Lolita, petite fille de 12 ans le poussant encore et encore au vice. Quand Babelio m’a proposé ce livre, qui voit les choses du point de vue de Lolita grâce au format journal intime, j’ai eu envie de découvrir l’autre face de cette histoire controversée, mais aussi découvrir comment l’auteur allait aborder ce sujet au combien difficile. Merci donc aux éditions Goutte d’Or pour ce livre, à la couverture style collection blanche Gallimard, mais avec la première phrase du roman imprimée en relief.

Le récit débute au moment où Humbert Humbert vient chercher Lolita à son camp de vacances, alors que sa mère vient de mourir. Comme il a épousé la mère de Lolita, Humbert devient officiellement son beau-père et a tous les droits sur elle. Commence alors un voyage interminable sur les routes américaines, de ville en ville, de motel en motel, accueillant les malheurs de Lolita et les perversions de Humbert.

Ce livre se divise en cinq parties, portant le nom des hommes ayant marqué cette période de la vie de la jeune fille. Son existence se résume d’ailleurs à ces passages d’homme en homme, de maison en maison, cherchant désespérément un peu de répit et sa place dans le monde. Lolita ne sera presque jamais seule, mais pourtant, elle ne sera jamais vraiment accompagnée. Elle vit une vie « à côté », elle voit la réalité des gens de son âge, mais flotte autour, tentant d’y entrer, sans jamais y parvenir à cause de ce qu’elle a vécu.

Si j’ai apprécié la plume de l’auteur et le récit en général, j’ai cependant trouvé que l’écriture « journal intime », beaucoup trop mature, n’était pas plausible du tout. Lolita a 12 ans quand on commence à lire son journal, pourtant, elle écrit déjà comme une adulte. Je n’ai pas ressenti ce côté jeune fille insouciante et capricieuse, personnage que j’avais connu au début du roman de Nabokov. Ce roman n’a malheureusement pas réussi à me faire croire que je lisais le journal de Lolita, mais plutôt une réinterprétation de son calvaire.

Des épreuves, Lolita va en vivre beaucoup : traînée de motel en motel, devant subir chaque soir les assauts de son agresseur sans que personne n’intervienne, n’osant pas parler de ce qui lui arrive quand elle le peut de peur qu’on ne la croie pas. Elle est enfermée dans une spirale de perversion de laquelle elle ne parvient pas à sortir et qui l’entraîne de plus en plus au fond du gouffre. Toute l’histoire se déroule alors que Lolita est mineure, et l’auteur décrit les scènes de viol au travers de son regard d’enfant, puis de jeune fille trop vite devenue adulte, ce qui pourrait choquer certains lecteurs.

Citations

« Oh, je ne sais plus quoi penser, ni si je dois en penser quelque chose ou me laisser conduire où il veut ! C’est toujours un mauvais moment à passer, non ? Mais étrangement, je n’y pense jamais avant qu’il n’arrive, à ce moment-là… Jamais. Avant et après, il est le gentil Hum qui prend soin de moi et qui me fait rire. »

« Toi aussi tu es une poupée. Faite pour attendre sur un lit, pour être caressée, habillée, déshabillée par d’autres que toi. Un objet de chair, mais de la mécanique quand même. »

Conclusion

L’histoire phare de Nabokov revisitée du point de vue de la victime : un récit de voyage au bout de l’enfer pour Lolita, porté par une belle plume, mais trop mature pour le projet de journal intime annoncé. Un point de vue difficile, mais nécessaire.

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#FungiLumini

8 réflexions sur “Journal de L.

    • Tu es la deuxième personne avec qui j’en parle qui ne connaît pas Lolita, je pensais que c’était un classique 😮 (je te le conseille il est bieeeen mais je l’ai qu’en anglais, tu lis parfois en VO? )

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    • Parfois oui mais si c’est un classique il est peut être en epub libre de droit ou en poche donc tracasse o/ l’anglais c’est pas de la lecture détente pour moi même si j’en suis capable xD
      Puis ça dépend les écoles, j’ai très peu eu des classiques outre Europe à lire et j’ai toujours regretté ça :/ l’aspect nombriliste des universités… Typique.

      Aimé par 1 personne

  1. même avis pour l’aspect journal intime d’une gamine de 12 ans qui n’est pas crédible. certes, vu les épreuves, elle est probablement plus mature que les autres de son âge.. mais il aurait été plus judicieux d’abandonner l’aspect « journal intime », qui n’est pas du tout retranscrit.

    Aimé par 1 personne

  2. Pingback: Les découvertes de l’ombre #5 | OmbreBones

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