Titre : Le Solitaire
Auteur : Vicomte d’Arlincourt
Œuvre de 1821 rééditée.
Éditeur : éditions du Chat Noir
Genre(s) : gothique romantique
Nombre de pages : 270
Helvétie, XVe siècle. Sur les rives du lac Morat, la douce orpheline Élodie, recueillie par son oncle Herstall, habite un vieux monastère. Tout comme les villageois de la vallée d’Underlach, Élodie est à la fois effrayée et fascinée par le Solitaire, un homme mystérieux qui hante les montagnes surplombant la vallée. Qui est-il ? Pourquoi se cache-t-il ? Quels affreux crimes cherche-t-il à expier en secourant les nécessiteux, furtif comme une ombre, toujours drapé dans son manteau noir ?
Le vicomte d’Arlincourt connut avec son Solitaire, paru en 1821, un succès colossal. Certains de ses contemporains ne lui pardonnèrent pas sa plume chatoyante et emphatique, et il fut bien vite mis au ban de l’histoire du romantisme. Il eût été dommage de ne pas offrir une nouvelle vie à ce superbe roman plein de charme qui mêle, sur une toile de fond historique « à la Walter Scott », lyrisme crépusculaire et romance gothique.
J’avais hâte de découvrir cette nouvelle collection des éditions du Chat Noir, qui réédite des classiques oubliés de la littérature gothique et romantique des XVIIIème et XIXème siècles, ouvrages à succès à leur époque dont on n’entendait plus du tout parler…jusqu’à aujourd’hui. Bien qu’ayant fait des études littéraires, je n’avais jamais entendu le nom du Vicomte d’Arlincourt et encore moins parcouru un de ses textes – assez nombreux si on en croit la préface de Vincent Tassy. Dans celle-ci, le directeur de collection nous explique le parcours de l’auteur, la réception de cet ouvrage par le public de l’époque ainsi que les raisons qui l’ont poussé au choix de cette réédition. Une introduction que j’ai trouvée très documentée et fort intéressante !
L’histoire qui nous est contée est celle d’Élodie, orpheline recueillie par son oncle Herstall. Elle vit seule avec celui-ci dans un monastère en Helvétie. Son unique autre confident est le prêtre Anselme, homme d’église qui veille sur son innocence comme un père. Le quotidien d’Elodie est bouleversé lorsqu’elle rencontre le mystérieux Solitaire, figure énigmatique dont tout le monde parle, mais dont personne ne sait rien. Un étrange lien va les unir l’un à l’autre et nous n’aurons plus qu’une hâte, découvrir enfin l’identité du Solitaire et voir ce que le destin réserve à ce duo improbable.
Voici une charmante petite histoire qui entre dans l’Histoire des Grands. J’ai particulièrement aimé ce mélange entre récit poétique, descriptions de paysages enchanteurs et contexte historique d’époque. C’est un récit qu’on pourrait qualifier d’ « élevé » : les émotions et les ressentis des personnages sont extrêmes et décrits dans un noble langage, la nature est omniprésente, dans sa beauté, mais aussi dans sa puissance destructrice. Les éléments se déchainent, tout comme les passions des protagonistes. Tout semble lié en un tout immuable, le destin a déjà choisi le sort qu’il réserve au Solitaire et à Élodie. Une aura presque mystique entoure ce texte.
C’est un livre qui, je pense, ne plaira pas à tout le monde à cause/grâce à son haut niveau de langue, qui peut paraître grandiloquente à l’exagération pour les non-initiés. Les actions qui s’y déroulent sont simples, mais décrites avec tellement d’emphase que cela pourrait paraître artificiel et surfait à qui n’a pas étudié les codes du roman du XIXème siècle. C’est pourtant ces éléments qui ont fait que j’ai adoré cette lecture, car elle sort totalement de ce dont on a l’habitude de lire actuellement et ça, ça fait du bien !
Élodie est un personnage tout en douceur et en innocence. Jeune vierge, sa pureté de caractère et de corps nous est souvent rappelée. Elle est l’âme charitable de la région, la bonté et la beauté incarnées. Si on la croisait, on aurait presque peur de lui adresser la parole et de tâcher cette âme si blanche, presque divine, de briser cette porcelaine magnifique. Elle nous semble un peu naïve et surtout très fragile quant à ses sentiments, premiers émois amoureux qui la touchent en plein coeur. Comme c’est souvent le cas dans les romans romantiques de l’époque, les femmes ne contrôlent pas leurs émotions, elles crient (d’effroi, de surprise, de joie, ça dépend un peu :p ) et s’évanouissent à tout bout de champ. Bien qu’ancrée dans ce cliché, Élodie va tout de même tenter de résister aux obligations que sa noblesse lui impose pour vivre sa douce mais violente passion.
Le Solitaire est tout son opposé : ombre mystérieuse, il vit en ermite dans la montagne et se cache sous un ample vêtement. Personne ne peut voir son visage et qui tente de l’approcher prend le risque de subir sa malédiction. Il n’hésite cependant pas à venir en aide aux personnes dans le besoin, soit en les secourant physiquement, soit en leur offrant une aide financière plus que bienvenue. C’est cette âme charitable qui intrigue Élodie et qui la pousse à croire qu’il faut regarder au-delà des apparences, que celles-ci sont trompeuses. Leurs rencontres sont hasardeuses, et toujours trop courtes à mon goût! Ils semblent s’attirer tout en sachant qu’ils ne peuvent être ensemble : une étincelle d’amour touchante.
Les autres personnages sont tout en force et exubérance également. Entre le vieux Herstall qui ne souhaite que le bonheur de sa nièce, le père Anselme qui tente tant bien que mal de la protéger, la comtesse malveillante et les hommes qui tentent de voler la vertu d’Élodie, on ne s’ennuie pas dans le vieux monastère !
La révélation de l’identité du Solitaire est LE moment fort qu’on attend dans le livre. Je dois dire que j’ai été très surprise et que je ne m’attendais pas du tout à ça, mais je n’en dirais pas plus pour ne pas risquer de vous gâcher la surprise. 😀
« O homme! roi du monde par la pensée, mais souvent victime de tes privilèges ; accablé par les souffrances, ou égaré par les plaisirs ; glacé par les années, ou enivré par la jeunesse ; toi seul dans la nature ne renais point avec l’aurore, ne revis point avec le printemps. »
« L’inconnu de ces vallons ne hait point ses semblables, puisque, compatissant à leurs souffrances, il s’est montré souvent leur sauveur : il ne les fuit point, puisqu’il apparaît partout où se font entendre les accents de la douleur et du désespoir. Pourquoi donc soupçonner le crime où tout annonce la vertu? »
« Fille d’Underlach, dit enfin l’inconnu, pardonnez à l’homme de l’adversité qui, peu maître des mouvements de son coeur, crut qu’un ruban qu’avait porté l’innocence pouvait, en talisman céleste, purifier sa sombre demeure, et rendre le repos à son âme. »
Une réédition d’un roman romantique gothique du XIXème siècle qui nous propose une histoire mêlant amour, danger et destinée et prenant place dans des magnifiques paysages. Les hauts sentiments habitent les protagonistes qui se laissent guider par leur passion, portés par un langage grandiloquent et poétique à l’extrême. Une très belle découverte et une lecture qui sort de l’ordinaire !
#FungiLumini
Ta chronique me donne vraiment envie :3 Je crois que je vais craquer en numérique, faut que je le lise o/
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